Des Noirs esclaves et des Sauvages esclaves au WoKanada
Tous les Noirs qui arrivent au Canada au cours du XVIIe siècle proviennent d’Afrique, plus particulièrement de Madagascar et de Guinée. Ils ne représentent toutefois qu’une petite fraction des Noirs identifiés lors de la période du régime français. En effet, la très grande majorité viennent alors des Treize Colonies ou des Antilles. Le premier esclave des colonies britanniques débarque au Canada en 1700 et par la suite leur nombre ne cesse d’augmenter. Notamment, les Noirs originaires des Antilles comptent parmi les premiers arrivants noirs du Canada.
Sur les 1443 esclaves noirs que l’historien Marcel Trudel a recensé pour toute la durée de l’esclavage au Québec, approximativement le quart de ceux-ci arrivent sous le régime français. [ C'est à dire environ 360 ]
Statistiquement, au XVIIe siècle, on compte très peu de Noirs au Canada. Le premier est Olivier Le Jeune qui débarque en 1629 au Québec et est baptisé en 1633. Amené par les frères Kirke et éventuellement offert à Guillaume Couillard, peu d’informations sont connues à son sujet. Il est considéré comme un domestique mais cela n’exclut pas qu’il ait eu le statut d’esclave. Il meurt en 1654.
C’est seulement en 1686 qu'est recensé un autre Noir dans la vallée du Saint-Laurent. La demande en esclaves noirs était présente, mais un concours de circonstances en empêcha la venue jusqu’à la fin du siècle.
(...)
Au tournant du XVIIIe siècle, lorsque la guerre de succession d’Espagne prend fin, le nombre de Noirs arrivant au Canada augmente par rapport au siècle précédent, mais faiblement. Une troisième demande d’envoi d’une cargaison d’esclaves africains est lancée en 1721 par l’intendant Bégon, suivant celles de 1689 et de 1701. Comme pour les autres, cette ultime requête reste sans réponse. Pourtant, les acheteurs potentiels d’esclaves noirs ne manquaient pas au Canada, mais en raison de la grande distance géographique par rapport à l’Afrique, notamment, aucun bateau négrier ne se rend finalement au Québec. Le nombre de Noirs arrivant annuellement au Canada demeure faible pour toute la durée du régime français, restreint à seulement quelques individus par année.
En 1744 par exemple, on compte 21 nouveaux arrivants Noirs dans la colonie, le plus haut chiffre jamais atteint sur une base annuelle pour l’ensemble du régime français. En grande majorité, ces esclaves proviennent des colonies britanniques et des Antilles.
Les esclaves autochtones
Comparativement aux Noirs, l’afflux d’esclaves autochtones dans la vallée du Saint-Laurent pendant le régime français est bien plus important. Marcel Trudel a recensé près de 2700 esclaves autochtones pour toute la durée de l’esclavage au Québec dont la majorité, près de 1700, ont obtenu ce statut au cours de l’administration française. Cette prédominance autochtone peut être notamment expliquée par le fait qu’ils proviennent d’Amérique du Nord. Leur acheminement jusqu’à la vallée du Saint-Laurent est bien moins long que celui de leurs homologues africains. De plus, certains peuples autochtones pratiquaient déjà leur propre forme d’esclavage avant l’arrivée des Européens. Ces esclaves autochtones sont des prises de guerre souvent capturées lors de conflits intertribaux. Avec la mise en place et le développement de la Nouvelle-France, les relations commerciales entre Français et Autochtones s’accentuent et l’échange d’esclaves autochtones s’établit dans ces pratiques. D’abord offerts comme cadeaux visant à reconnaître la formation de nouvelles alliances, les esclaves sont éventuellement vendus aux Européens.
Pendant le XVIIe siècle, l’acquisition d’esclaves autochtones par des Canadiens demeure relativement faible. En effet, l’élite française et la monarchie imposent à ces derniers, notamment avec l’édit de Louis XIV sur l’esclavage de 1689, de refuser tout offre d’esclaves en provenance des Autochtones. On désamorce ainsi le risque pour la colonie que l'acceptation de tels « cadeaux » menacent de faire courir à l'équilibre précaire des jeux d’alliance entre les Français et les peuples autochtones. Malgré ces directives, quelques esclaves autochtones sont intégrés à la société canadienne au XVIIe siècle..
Par exemple, l’explorateur Louis Jolliet, lors de son expédition sur le fleuve Mississippi, se voit offrir un jeune esclave qu’il ramène avec lui dans la colonie en 1674, mais qu’il perd sur la voie du retour lors d’un naufrage près de Montréal. Dans les années 1690, la présence d’esclaves autochtones dans les registres d'état civil de la colonie s’accroit.
Ainsi, de la fin du XVIIe siècle jusqu’au début du XVIIIe siècle, un commerce plus stable d’esclaves autochtones commence à se développer.
Certains peuples situés au sud-ouest de la vallée du Saint-Laurent, entre autres les Illinois et les Ottawa, commencent à vendre leurs prises de guerre aux marchands d’esclaves français qui les ramènent par la suite jusque dans la colonie.
(...)
Monseigneur Cyprien Tanguay
Commentaires