L'histoire du poids démographique du Québec dans le Canada

Pourquoi le poids démographique ne change pas le poids politique du Québec

Vendredi, 12 mai 2023 00:00MISE À JOUR Vendredi, 12 mai 2023 05:50

Dans le débat sur l’«Initiative du siècle», la proposition d’hommes d’affaires torontois de faire passer la population canadienne de 39 à 100 millions d’ici 2100 – et dont le gouvernement Trudeau s’est dissocié jeudi –, plusieurs font le lien suivant.

Si le Québec n’augmente pas ses propres seuils d’immigration pour suivre le rythme, il finira «noyé» démographiquement dans le grand tout canadien. Ce qui, par conséquent, réduira aussi son poids politique dans la fédération.




L’histoire moderne du Québec montre pourtant qu’il n’existe pas vraiment de lien de cause à effet entre la proportion de sa population au sein du Canada et son rapport de force politique face au fédéral ou aux autres provinces.

À la Chambre des communes – la province de Québec a 78 sièges sur 338 –, même le nombre de ses élus au sein du gouvernement central, quel qu’il soit, change peu de choses à son véritable rapport de force politique.

Même au Salon bleu, que le gouvernement du Québec ait ou non une forte majorité de sièges n’augmente pas son rapport de force comme province. Réélu avec 90 sièges sur 125, François Legault, dont la demande informelle pour plus de pouvoirs en immigration est refusée par Justin Trudeau, le sait.

Ce constat global est peut-être déconcertant, mais à quelques exceptions près, c’est la réalité. Quelques exemples parmi d’autres.

Rapatriement sans le Québec
En 1981, le gouvernement péquiste de René Lévesque est réélu massivement avec 49 % des voix. La population québécoise compte pour 26,4 % au Canada. Le gouvernement libéral fédéral de Pierre Elliott Trudeau comprend 74 sièges sur les 75 du Québec.

Si l’on suivait la supposée logique entre les poids démographique et politique du Québec, un tel alignement de planètes aurait dû lui donner un méga rapport de force dans les négociations constitutionnelles suivant la victoire du Non en 1980. Or, ce sera tout le contraire. Trudeau père, fin renard, rapatriera quand même la Constitution sans le Québec et lui imposera une Charte des droits diminuant ses pouvoirs. On connaît tous la suite...

En 1990, le Québec compte encore pour 25,2 % de la population canadienne. En 1989, le gouvernement libéral de Robert Bourassa était réélu avec 92 sièges sur 125. En 1988, le gouvernement fédéral progressiste-conservateur de Brian Mulroney raflait lui aussi un deuxième mandat fort, dont 63 sièges sur 75 au Québec.

Un autre alignement puissant des astres pour le Québec. En juin 1990, l’Accord du lac Meech, négocié pour réparer l’affront de 1981, meurt néanmoins de sa belle mort. Là aussi, on connaît la suite...

Un rapport de force déjà négligeable
Des exemples comme ceux-là, il y en a d’autres. La morale de cette histoire est qu’il existe peu ou pas de lien entre le poids démographique du Québec et son rapport de force politique au sein de la fédération.

Que la proportion de sa population au Canada monte ou baisse ne change pas grand-chose au sort qui, face à Ottawa, attend ses revendications. De toute évidence, son poids politique ne dépend pas non plus de la force du mandat de son gouvernement provincial ni du nombre de députés qu’il compte au gouvernement fédéral.

En fait, comme province, le rapport de force du Québec est négligeable depuis un bail. Le vrai danger pour lui est le recul du français comme langue nationale et, ce faisant, comme langue d’intégration des nouveaux arrivants.

Un autre est la tournure du débat politique sur l’immigration. Au lieu d’être vue comme une richesse, on la présente comme une menace à la pérennité même de la nation québécoise.

Or, comme je l’expliquais mardi en long et en large, si le français recule, c’est avant tout parce que depuis le référendum, les gouvernements québécois n’ont rien fait ou si peu pour le renforcer comme langue d’intégration. Trente ans plus tard, que le réveil soit brutal ne devrait étonner personne. Dès qu’il s’agit d’une question existentielle, les fruits de l’inaction sont toujours amers.

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